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De : Clément BRUNET MORET, Vis de construction des Requins Pouvreau.

Cher amis requinistes, cet article s’adresse en priorité aux heureux propriétaires de Requins Pouvreau. En effet, je suis propriétaire de SHAMROCK, le numéro 392, un Pouvreau de 1967 et je souhaite vous faire bénéficier de mon expérience dans la rénovation de Requin issus de ce constructeur.

SHAMROCK faisait eau au mouillage et plus particulièrement en navigation. Je me suis donc penché sur le problème et après avoir consulté, voici le fruit de ce travail :

Au prés, un requin subit principalement l’action de trois forces :
- La traction des haubans
- La compression du mât
- Le rappel du lest.

Pour bien comprendre les explications qui suivent, il faut toujours garder à l’esprit ces trois composantes qui interagissent pour imprimer des efforts à la coque.

Dans le cas de mon Requin, et j’espère qu’il en va de même pour le votre, toute les pièces de bois sont en bonne état et aucune trace de pourriture n’est visible. Je parts donc du principe que toute les pièces citées ci après sont aptes à subir ces forces.

Ces trois forces sont indissociables et pour au moins deux d’entre elles, elles sont concentrées dans la même région (autour du mât).

Le secret de l’étanchéité, au près notamment, est de pouvoir annuler ces forces. Deux méthodes sont alors possible. Soit on surdimenssionne les pièces de bois pour que celle ci ne se déforment pas. Soit on essaye d’annuler les forces en créant des liaisons pour que celle ci s’annulent.

C’est bien évidemment la deuxième solution que j’ai choisi.

Au près, les haubans tirent le bord au vent vers le haut. Dans la construction, les cadènes étaient prises directement sur les bordées. Avec les années (et surtout si vous avez adopté un gréement plus raide avec un mât alu par exemple), les trois ou quatre bordées concernées ont de plus en plus de mal à encaisser cette traction importante. D’où des ovalisations des trous des vis des cadènes et parfois les rivets qui tiennent ces bordées cassent, si bien que lors de la traction, les bordées remontent.

Le mât fait subir une compression directe à la quille car il repose directement dessus par l’intermédiaire d’une simple cale.

Puis vient le rappel du lest dont nous parlerons plus tard.

J’exclue volontairement la pression de l’eau.

Le premier objectif est donc de maîtriser ces deux forces, qui sont les plus directes, à savoir la traction des haubans et la compression du mât.

La première est souvent traitée car il y a souvent urgence mais la deuxième est souvent injustement ignorée. En fait, les deux sont à relier. Les haubans tirent vers le haut et le mât appui vers le bas. Déjà vous voyez que si on arrive à relier les deux forces, comme elles s’opposent on peut les annuler en grande partie.

Sur les Pouvreau, il n’y a pas de varangues en pied de mât et comme vous le verrez plus loin, l’emplacement des varangues est un véritable vis de construction sur ces Requins.

C’est déjà en soit une aberration car des varangues permettrait de répartir plus largement la force de compression du mât qui est très importante. Elle peut favoriser une déformation de la coque à cet endroit, d’où une prise d’eau par les coutures des bordées qui s’ouvrent sous la déformation.

En même temps, les haubans au vent tirent vers le haut favorisant cette déformation et l’ouverture des bordées.

Il y a alors plusieurs écoles. J’ai pour ma part, dans une première tentative, doté mon Requin de plaques de cadènes fixées aux trois principales membrures qui se trouvent autour du mât. Sur les Pouvreau, elles sont plus épaisses que les autres et sont très résistantes. Cela a très bien fonctionné jusqu’à ce que je navigue dans la brise et j’ai alors tout bonnement arraché les membrures de leur logement dans la quille car elles n’y sont fixé que par une pointe en cuivre qui n’a pas longtemps supporté cet effort.

Le seule est vraie bonne solution consiste à relier le pied de mât aux cadènes. On peut y parvenir tout en renforçant cette région en créant une nouvelle structure à cet endroit.

Tout d’abord, vous déposez le pied de mât et les cadènes.

A la place de la cale qui sert de pied de mât, vous faites trois nouvelles varangues. Elle n’ont pas besoin d’être très épaisse, 30 mm suffisent, par contre elles doivent être positionnées de manière à pouvoir recevoir une membrure en lamellé collé qui passera exactement à l’emplacement des cadènes. Ces membrures doivent être d’un seul tenant d’une serre bauquiére à l’autre. Cela fait, vous pouvez replacer vos cadènes dont les efforts seront directement transmis au pied de mât. Evidement elles seront un peu plus rentrées mais je déconseille de les placer entre la nouvelle membrure et le bordé à cause des infiltrations d’eau. N’oubliez pas de relier ces nouvelles membrures à la serre bauquiére par des boulons.

Comme il est quasi impossible de percer le lest en fonte, les varangues seront fixées à la quille par des tire-fond. Posez une carlingue sur le sommet de ces trois varangues, elle formera votre pied de mât.

Pour parfaire la rigidité de cet élément, vous pouvez ajouter des équerres reliant les cadènes aux barreaux de pont.

Bravo ! Vous avez maintenant un ensemble cadène/pied de mât très cohérent avec de très bonnes liaisons.

Mais et la force de rappel du lest ?

C’est là que cela se complique !

Comme vous envisagez de renforcer les liaisons entre les différentes forces dont nous parlons vous vous dites qu’il serait bon que la carlingue qui sert de pied de mât soit un peu plus longue et qu’elle reprenne une partie des boulons de leste. Et bien vous avez raison ! Un boulon se trouve d’ailleurs juste en avant de votre nouvel ensemble. Or vous sous apercevez avec horreur que non seulement il n’aboutit pas dans une varangue mais dans une sorte de cale mais en plus qu’il est beaucoup trop court pour être relié à votre ensemble.

Comme vous travaillez sur la transmission des forces, c’est alors que vous vous demandez comment la force de rappel du lest est transmise à la coque et aux varangues qui sont l’élément de liaison principal de cette zone.

Vous venez de vous rendre compte du principal défaut des Requins Pouvreau. Les boulons de lest n’aboutissent pas dans les varangues mais dans des sortes de cales à l’utilité très douteuse. C’est donc la quille qui transmet l’effort de rappel du lest aux varangues !

Sur la plupart des Pouvreau elle est d’ailleurs largement fendue dans l’axe des boulons par le dessèchement du chêne mais surtout par cet effort très important. Livrez vous maintenant à une petite expérience. Saisissez à pleines mains la varangue qui se trouve dans le cockpit près de la porte et secouez la franchement. Il y a de grandes chances pour qu’elle bouge !

Vous venez alors de découvrir deux choses :
les vis en laiton ne sont pas éternelles et après un certain nombre d’années, elles cassent très facilement (à cause de l’électrolyse).
vos varangues ne sont plus d’aucune utilité et sont un poids mort dans le fond de votre bateau (c’est d’ailleurs pour cela que vous n’avez pas gagné le dernier National).

La solution idéale consiste alors à remplacer toute les varangues existante par d’autre situées aux endroits où sortent les boulons de lest. C’est une opération lourde mais qui vaut le coup d’être tentée car votre bateau s’en trouvera transformé. Il sera sans doute plus léger, plus raide et enfin étanche. Cela nécessite la dépose du lest et le remplacement des boulons pour en mettre de plus long. Une fois le bateau déquillé vous pouvez en profiter pour déposer la clef de bordées pour avoir accès aux boulons des anciennes varangues que vous pouvez alors supprimer. Malheureusement, les nouvelles varangues tombent généralement sur des membrures qu’il faut elles aussi enlever pour remplacer par du lamellé collé.

Toutefois, une autre solution est possible. Elle nécessite le remplacement des boulons de lest et l’adjonction de deux ou trois nouvelles varangues à des endroits stratégiques (de part et d’autre du mât et dans le cockpit, juste en arrière de la porte. C’est là que l’effort de rappel du lest est le plus important à cause du bras de levier). Ces varangues seront prévues un peu plus larges et dotées de belles membrures lamellé identique à celles qui renforcent vos cadènes. N’oubliez pas de revisser inox toute les anciennes varangues et vous obtiendrez un résultat très satisfaisant.

Ces opérations peuvent être réalisées en plusieures étapes pour diminuer le coût. Mais franchement je crois que vous ne le regretterez pas et vous serez heureux d’avoir solutionné ce problème et vous n’aurez plus à vous en préoccuper pour une bonne trentaine d’années. Vous vous demanderez alors comme moi pourquoi chez Pouvreau on avait pas construit comme cela à l’origine.

Clément BRUNET MORET.

 

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