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Pierre LE ROCH : UN VENETE CHEZ LES CURIOSOLITES (1984).

 

Ma raison chargée se devait requin-quer, comme le bouchon de champagne saute pluscuriosol.gif (32807 octets) haut en latitude, je choisis BREST.

Le 17 août, départ de Saint Philibert à 17 heures. Avec mon chien. Sans moteur auxiliaire. Je me proposais le Palais (royal à défaut de régates) en Belle Isle. La modicité d'Eole, la fantaisie des courants me portèrent à Saint Pierre QUIBERON.

Dîner. Appétit de crocodile. Merci William Saurien (comme dirait la bôme à ris gui d'aile).

Coup de Lambic dans un bar (pas le poisson) et je vis 36 ANDELLE, planté devant l'autel de mon saint patron, je veux dire le requin de Loïc EONNET dansant à l'ancre.

18 août. Saint Pierre - La TEIGNOUSE en 2h30. Le vent n'est toujours pas une matière première. Puis légère brise qui me permet de jouer avec un AQUILA et une autre série non identifiée.

Je voulais GROIX. Le vent tombe un peu. Route vers Belle Isle. Je prends cinq maquereaux d'un coup. Puis je retourne vers Groix. Je rattrape mes Deux lascars. L'AQUILA me propose un débris de règle Cras (j'avais perdu mon rapporteur). Je propose trois maquereaux que je donne. La règle tombe à l'eau.

Les ci... deux vents me rattrapent au moteur.

Groix à la tombée du jour. Remorquée sur un mille par un " grec " et un nouveau requiniste (Ellioux ou Allioux, il m'a semblé).

Ancrage dans une crique. Je cuis deux maquereaux sur un réchaud à alcool rouillé (en ajoutant un escargot pour hâter la cuisson). La rouille cède. Début d'incendie. Une bombe bâbord.

Si vous êtes armé d'un lance-pierres, ne tuez pas un cygne. Un cygne de Croix doit être enterré chrétiennement (ou immergé).

19 août. Le rivage me capte jusqu'au beau PORT MANECH (à ne pas manquer, surtout le printemps au moment de l'explosion des landes).

Un salut de monsieur HARLE en soirée, qui rentre poussé par " BIZE " (l'an dernier j'ai bu un bon muscadet dans sa chaumière).

J’évoque l'embarquement des agents du Colonel Remy qui passaient par ici.

Dans la nuit le vent forcit puis mollit à l'aube. "IL s'est apaisé" me conseille un rameur à l'aspect de pécheur.

Bien qu’anxieux je garde ma voile de beau temps sans garcettes (don de Monsieur PAIX. ancien requiniste. Son requin est exposé au musée de la marine à Port Louis), et file vers 8 heures, le 20.

Vers 11 heures au large de Concarneau, j'affale mon génois géant (autre don de Monsieur PAIX, il couvre presque jusqu'aux poulies d’écoute de spi dans lequel il a été taillé). Mais je n'ai pas le loisir d’amener ma voile et la changer tant je suis malmené par la violence d’un imprévisible coup de vent. Je file vent arrière sur Concarneau ne voyant presque rien, la pluie tombe avec fracas en rebondissant haut sur la mer. Je n'ai jamais vu une telle masse qui flotte comme vase qui épice. je fonce furieusement. J’entr'aperçois quelques fantômes qui essaient de faire comme moi, dont un grand trimaran que je dois éviter avec subtilité. Le soir (s'ils sont rentrés) ils ont dû discuter du Requin qui surfait.

Puis l'ombre d'un château sur la pointe de TREVIGNON. Je contourne et rentre dans ce tiède petit port de pêche à midi.

Vers 16h30 la criée s’anime. Délicieuses palourdes des Glenans à 15 francs le kilo.

J'apprends que le canot de sauvetage de PENMARCH est sorti cinq fois dans la matinée.

Le soir, à pied jusqu'à l'église de Saint Philibert qui est aussi le patron de ma paroisse, et qui a peut être sauvé mon bateau (ou ma vie) ce jour là. C’était un moine venu de je ne sais quelle île dans un bac en pierre. Et il a fait l'économie d'une syllabe en Loire-Atlantique, Philbert, c’est peut être l'effet du muscadet.

Je prends la décision de m’enquérir désormais des prévisions météo.

Le 21,vers 9 heure, échaudé la veille. je ne hisse que la voile de cape (autre, don de Mr Paix) mais le peu de vent fait que je me déhale péniblement. Le public est nombreux sur les quais. Je mets ma dakar. Et atteins péniblement ...BEC MEIL et ses villégiatures et ses crêperies.

Tout au long de mon périple, j'ai vu des bistrots véritables galeries de tableaux.

Le 22, des "poltron-minet ", O hisse! Le Créateur a laissé tomber les grains d'un chapelet en roc jusqu'à PEN MARC'H, et ceci me rassure, car ma carte marine s'arrête là. Vais je doubler ou pas?

Je ne suis pas seul, une longue houle du tonnerre de dieu me fait entrevoir des matures et des yachts qui émergent du fond des abysses.

Je côtoie un moment un Armagnac d'une école de voile de voile de Brest, monté par quatre femmes et deux hommes (dont le moniteur). Ils vont à Audierne et me donnent le cap (je me proposais de suivre la cote... d'un peu loin pour reconnaître un port. La prochaine fois j'embarquerai une paire de jumelles).

Ils ont un spi. Moi un génois normal. Je vais plus vite qu’eux. Et prends le temps de ralentir et de casser la graine pour les attendre.

Pauvre de moi... A environ 5 milles d’Audierne un coup de vent de terre se lève qui me secoue et me force à des acrobaties, toutes voiles dehors pour me tenir bien. Par une espèce d'anomalie il se met à pleuvoir de l'est. Et c'est à l'estime que j'avise une langue de terre qui n'en est pas une, et des feux follets qui sont des lumières. Et par suite du mou donné aux écoutes pour ne pas être trop penché, je devance un peu l'Armagnac à Saint Evette en Lesquibien. Il fait presque nuit. Nous avons passé PEN MARC'H et ses tours à contre marée.

Je dîne à bord de l’Armagnac. Les cuisinières ne sont pas italiennes, mais bouche pâteuse, les macaronis à la tomate sont un délice.

Au matin la guichetière (aguichante) d'une compagnie de vedettes pour SEIN (et pur sang) me conduit à Audierne ou, chez monsieur PRAMPART je m’achète une carte, dont la double utilisation sera d’adoucir ma couchette de bois (j’ai oublié le matelas)

Le 24 des midi, c'est la grandiose cote qui se déploie jusqu'au RAZ que, faute de vent, je ne peux remonter à contre courant. Retour vers Audierne pour la nuit.

Dans les ports, j'ai évité l'amarrage aux bouées, afin de m’assurer la gratuité (je suis au chômage).

Le 25. Je Veux passer le Raz de Sein à l'étale, et que le courant me porte vers BREST.

Las, le faible vent m'y fait arriver après deux heures de flot.

J'ai décarré de LESQUIBIEN vers 9 heure en même temps qu'un bateau d'assez fort tonnage de Saint Malo, le " REVOLUTION ", à qui je mène la vie dure jusqu'aux approches du RAZ ou, ayant choisi une option plus proche de l'Ile de Sein, il me largue d'un peu. SEIN apparaît irréellement dans sa brume.

Si vous ne voulez pas croire que la pointe du RAZ est belle, achetez vous des cartes postales. Mais si vous croyez que le courant n'existe qu'en électricité imaginez un pianiste géant tapant sur les flots et soulevant des gerbes, le Requin recevant un coup de pied au cul, pour un peu plus loin, amorcer un mouvement de valse anarchique, plongeant le nez comme pour assentir, puis abaissant les fesses pour dire "on ne me fait pas ça à moi".

Puis c’est une zone plane. A peine comme quelques denses dos de vastes mesures à girations de disques. C’est fini.

Et tout recommence. C'est un mouvement et un cliquetis d’ondée sans pluie. Comme une peau de Zoo-bis tellement elle parait bestiale.

Enfin vous apercevez le cap de la Chèvre et ses cornes de brume Des boudins d'insubmersibilité gonflés à l'hélium permettraient une meilleur absorption des lames.

Le vent s'est levé.

(Pieuse pensée pour Loïc qui sut affronter des eaux VILAINE) Mon immense génois a des sourires de soie. Un Requin avec un génois normal va vite. Déployez cette aile sur son flanc et le Requin défonce, il mord dans la vitesse sans désemparer, il dévore et il s'acharne. C’est une autre dimensions.

Vous criez de ralentir pensant qu'il va arriver un malheur. Il ne vous écoute pas. Il dépèce. C’est la mastication à l’échelle planétaire.

TAS DE POIS, Pointe de CAMARET, je ne vous célébrerai pas. Il faudrait des vers. Ce n'est pas ici le lieu. Il, faudrait une cathédrale..

Puis c'est le détaler dans le goulet de BREST.

La grande cavale : à moi falaise, et maisons, blockhaus vides, j’ai des dents de requin. C'est la grande tuerie à coups de secondes qui. Tombent.

La dépasser général, nous voilà !

J'entre clans le port de guerre (les navires étaient tapis, il m’observaient). Puis dans le port de commerce, cherchant en vain la darse où le guide fenwick situe le port de plaisance (il doit dater mon guide).

J’ai aperçu une cinquantaine de yachts, dans une anse du port en guerre, avec pour brise-lames 3 torpilleurs. J’y reviens. Je mouille. Je commence d’arrimer mes voiles, quand un militaire survient dans sa vedette "c’est le centre de voile de la Marine, vous êtes officier ?" "NOOON" "Un ancien Officier ?" "Un ancien quartier maître" Tour du vaillant requinos et de son contenu, un pli interrogateur à son front de guerre : "Vous pouvez vous amarrer à cette bouée là, je vous emmène à terre".

Le propriétaire du vaillant 374 est dans l'arsenal.

Il y restera deux nuits, dans son sublime cigare.

Avec aller et retour six fois en vedette. Et le bénéfice de l'eau chaude au club. Et 25 francs par nuit.

Dans ce cercle, une dizaine de requins qui seraient bientôt mis en vente.

Sur une étagère, une infinité de coupes, presque toutes gagnées dans des championnats de notre série.

La présence de goélands poussant leurs cris sur les rues de BREST souligne la cote maritime d'outre monde.

J'ai inutilement cherché à déguster la fameuse bouillie de bIè noir au lait caillé (appelée YOD) que l'on trouvait naguère dans les crêperies. Notre association devrait créer une section gastronomique.

Mon retour s'est opéré surtout par temps de brume. Je pourrai vous le raconter. Les marées étaient fortes.

mes réflexions m'ont induit à une certaine innovation. Par temps de brume, il est clair que le degré hygrométrique est plus élevé vers l'étrave, les courants d'air de la voilure ayant pour effet d'assécher l'atmosphère.

Alors, un bloc de papier buvard devant la bitte par son rôle de succion accélérera votre progression.

Mieux que le coton hydrophile (pitié pour la Sécu!)

P. LE ROCH

Le 2-11-84

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