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CHANGEMENT DES BOULONS DE QUILLE SUR UN REQUIN EN BOIS AGE DE 34 ans. Jean-Marie BERTHET.puce logo.GIF (586 octets)

Pour bien suivre cet article prenez les plans de forme du requin et numerotez le boulon de quille du plus proche de l’étrave n°1 puis à suivre vers l’arrière jusqu’au n°7 qui passe le plus sur l’arrière du saumon enfin le n°8 tout à l’arrière (tête dans la quille en bois noyée dans la tranche arrière à mi hauteur de safran).

L'opération de changement des boulons de quille est un travail parfois évoqué par les requinistes et présenté comme une épreuve d'envergure parsemée de nombreuses difficultés .

confronté au problème cet hiver voici le modeste témoignage qui a pour but de servir de retour d'expérience et d'aider les membres de l'association qui se font quelques soucis quant à l'état et la bonne tenue de leurs boulons de quille .

- QUAND AGIR

Heureux propriétaire depuis 26 ans du Requin N° 203 OLBIA II (Pouvreau 1960), naviguant environ un mois par an à l'été puis hivernant sous hangar, j'ai constaté à partir des années 90 des entrées d'eau particulièrement importantes par mauvais temps et au prés serré . La râblure c'est à dire la jointure quille coque semblait bailler de un à deux dixièmes de millimètres au niveau du pied de mât, mais aucune trace extérieure ne permettait de confirmer le diagnostic.

Une observation attentive des têtes des écrous à l'intérieur du roof permettait cependant de s'apercevoir que les boulons au voisinage du pied de mât avaient légèrement forcé. Certaines cales de bois (support de l'écrou au dessus du chapeau de quille) étaient écrasées en partie .

La crainte de voir mon bateau couler au mouillage mais également la contrainte systématique de distraire un équipier de sa tache pour le mettre à la pompe ont été les éléments déterminants de ma décision de "déquiller" afin de voir ce qui se passait au juste à la râblure .

- L'EXTRACTION DES BOULONS et "LE DEQUILLAGE"

        - Les quelques remarques suivantes sont des évidences et le lecteur, requiniste chevronné, m'en pardonnera la banalité

- Les plans au 1/15 fournis par l'association permettent de bien cerner le travail mais les emplacements des 7 boulons de saumon sont légèrement différents. Quant à la quille, c'est à dire la partie en bois d'Iroko qui forme la continuité entre le saumon en fonte et la coque , elle est tenue par un seul boulon (au lieu de 5 sur le plan) . Ce boulon unique (N°8) est celui qui débouche entre les couples 5 et 6 sur le plan .

- Le safran est sorti après avoir retiré son étrier de maintien situé à mi-quille, on peut très bien le sortir par en dessous en dégageant son pivot du bénitier (ou crapaudine) et en le tirant par en bas, le Requin doit être alors levé de 1,5 mètres environ . La mèche de safran reste solidaire du safran, avec cette méthode le travail est moindre .

- Bateau vide de tout plancher, les écrous sont découpés à la meuleuse électrique . La cale en bois est enlevée et la tige filetée d'extrémité du boulon est dégagée sur 8 à 10 cm. Ceci permet de bien voir la sortie de boulon qu'il faut frapper. Si le premier boulon de l'avant (N°1) qui mesure moins de 20 cm est chassé facilement au marteau il n'en n'est pas de même des 7 autres qui ne sortiront qu'à la masse de bûcheron .Le point dur est le dessertissage de la tête du boulon enfoncée et soudée par le temps dans la fonte . Il ne faut pas avoir peur de frapper fort , le bois ne force pas, en fait la percussion est transmise à la tête du boulon logée dans le saumon . Il faut faire apparaître les 5 premiers millimètres sous le saumon pour être certain d'avoir gagné . Un seul boulon situé au milieu de la cabine n'a pas voulu sortir selon ce procédé, on a alors soulevé la coque avec les sangles, laissant ce boulon solidaire du saumon . Il sera sorti plus tard . En fait grâce à une bonne masse et une tige en fer (D=18 mm, L=1000mm) pour chasser les boulons, il n'a pas été nécessaire de chauffer les têtes.

L'atelier est parfaitement adapté : croc d'élingage avec palan à chaîne qui permet de soulever le requin de son berceau et sortir par en dessous les boulons les plus longs.

Des sangles ont été confectionnées en prévision de ces manutentions . Les points centraux d'élingages ont en effet disparu avec le meulage des écrous .

Le saumon se décolle et reste posé sur le berceau, la quille bien que, apparemment plus tenue par rien, reste accrochée à la coque ; en fait je découvre un très gros clou qui avait servi à la construction . La quille en Iroko pèse de l'ordre de 4O à 50 Kg elle est constituée de 7 parties assemblées qui se dessinent en fendant la peinture lors de l'extraction des boulons .

OLBIA II est désormais en trois morceaux ,quille , saumon, coque . Le berceau roulant accueille le saumon qui a une fâcheuse tendance à cabaner et est rapidement calé ; quant à la coque elle repose sur un deuxième berceau .

La quille en bois est manoeuvrable à deux personnes. elle est déposée sans séparation des sept parties qui la composent . Deux éclats devront cependant être repris par le charpentier car, n'ayant imaginé un tel poids, elle est tombée lors de son désaccouplage de la coque et s'est légèrement abîmée .

la semelle de quille découvre complètement la jointure avec le premier bordé de gal bord et comme je le pressentais le raccord est disjoint de 2 à 3 mm sur une longueur de quatre mètres de part et d'autre au droit du mât .

Une quantité d'eau de 50 à 80 litres par heure rentrait par cette jointure lorsque le bateau était au mouillage forain .

 

- LA CONFECTION DES BOULONS EN INOX .

Les anciens boulons sont conservés soigneusement pour pouvoir servir d'exemple à la confection des nouveaux . La forme de leur tête est soit tronconique soit cylindrique, elle épouse parfaitement l'orifice du saumon. Les plans annoncent des diamètres variables de 16 à 22 mm, mais les boulons sortis sont tous de diamètre de 20 mm (excepté le N°8 de tenue de quille qui est du 18 mm) et cela simplifie le travail.

A l'occasion d'un passage à Paris , je passe chez FIRSTINOX (RER station Le Bourget) 5 à 13 rue de Verdun 93120 LA COURNEUVE tel 48 38 08 80 et j'achète tout ce qu'il faut pour l'usinage des nouveaux boulons et des ferrures intérieures d'élingage . Recommandé par la revue "Bateaux", cette maison d'inox en gros accepte de vendre aux particuliers à des prix défiant toute concurrence (visserie compris) . Pour un peu plus de 1000 F , je possède maintenant la matière première d'excellente qualité pour fabriquer les nouveaux boulons .

De retour à BREST en T.G.V. avec mes tiges d'inox, la soudure, les plaques de 10mm pour les ferrures, soit plus de 50 kg de matériel, je bénis pour une fois la SNCF et ses chariots à bagages .

J'ai pris également les écrous de 20 mm chez Firstinox car, méfiance avec les pas de vis lors de l'usinage, et rien de mieux que de donner l'écrou appairé avec la tige à fileter pour éviter toute mauvaise surprise de pas mâle/femelle incompatibles.

Je choisis la maison de mécanique générale TIMOBREIZ (13 rue du Colonel Berthaud 29200 BREST tel 98 44 89 28) pour réaliser à l'identique en inox le matériel . Bien m'en a pris car le travail d'usinage est parfait, cette maison a l'habitude de travailler en sous-traitance de la marine sur les chantiers de sous-marins . Le prix de l'usinage complet est revenu à 1660 T.T.C. .

- LA REMISE EN PLACE ou "REQUILLAGE"

Après avoir :

- repris à la ponceuse à bande la semelle et les contreparties de la quille,

- remis quelques dizaines de vis pour consolider la tenue du premier bordé de gal bord sur les varangues et la semelle de quille,

- enfoncé une cordelette de coton de part et d'autre de la semelle de quille dans la jointure qui baillait et sur toute la longueur du bordé de gal bord .

- comblé au sicaflex, la jointure au dessus de la cordelette de coton et les têtes de vis nouvelles

- fait sabler et chouper le saumon,.

la coque est présentée juste au dessus du saumon et de la quille, qui sont équipés alors de seulement deux boulons de quille les N°4 et 7.

Ces deux boulons sont ceux qui saisissent les manilles d'élingage et une fois à poste permettront de soulever OLBIA au moyen des élingues intérieures et sans les sangles extérieures .

Le raccord entre la fonte et le bois est largement badigeonné au blanc de zinc, produit directement commandé à Nantes par le charpentier de marine . Il est strictement identique au produit d'origine .

Tout se passe exactement comme prévu , les 2 boulons inox rentrent et les deux premiers écrous sont mis à poste avec les plaques supports d'élingage ; le bateau est soulevé après un petit ajustage de quille . Celle-ci se mettait très légèrement de travers et un coup de vérin l'a replacée dans l'axe sans difficulté.

Le bateau élingué à 1,2 mètres au dessus du sol, les autres boulons sont mis à poste en tapant la tête pour qu'elle rentre à force dans sa cavité, bien dans l'axe et à fond . L'usinage des boulons se révèle parfait, pas un coup de meule à donner .

Le charpentier refait les 8 cales intérieures qui servent à reprendre l'angle de sortie de fausse quille de chacun des boulons mais également à compenser les petites erreurs de mesure de longueur des boulons .Du suif chaud donc liquide est coulé sur le tour du boulon pour ne laisser aucun vide . Le Requin retrouve sa quille en moins d'une journée. Les rondelles des écrous sont remplacées par des plaques inox au dessus de chaque cale pour éviter la rentrée de l'ensemble écrou rondelle dans la cale en bois et mieux répartir l'effort sur l'ensemble cale/chapeau de quille .

Avec quelle force faut-il serrer les écrous ? j'opte pour un serrage moyen .

EN CONCLUSION

Ce travail a été réalisé en deux fois une journée à trois personnes . Le sablage de la fonte n'apporte en fait aucune plus value car le saumon est récupéré avec de très nombreux creux et bosses qui demanderont des heures de travail, un simple coup de ponceuse sur sa tranche supérieure aurait suffi .

Pour le reste je referais la même chose ; l'élément déterminant est la qualité de l'emplacement de travail avec des berceaux pratiques, palan, espace, électricité enfin tout ce qui permet d'aller vite et bien .

J'allais oublier une information utile, les boulons retirés avaient perdu au pire 6 à 7 mm de diamètre soit environ 30%, le maximum d'oxydation constaté est au niveau de la jointure quille/saumon . Ces boulons avaient 34 ans et auraient pu en faire encore au moins 20 mais la plaque d'élingage avant, prise dans le boulon n° 4 était prête à lâcher dans les 3 ou 4 ans à venir.

Enfin en cas de doute sur la qualité des boulons de quille je préconise un remplacement unique du N°4 ou 5 qui donnera une bonne idée de l'état des autres et permettra d'envisager l'avenir avec sérénité .

En remplacer un chaque année? pourquoi pas .

Changer du fer qui rouille par de l'inox, qui brille et ne vieillit pas, est un gage de longévité et de préservation de votre Requin .

Brest, le 20 Avril 1994

Jean-Marie BERTHET (OLBIA II N°203 ),

16, rue des Bouchetières, 85330 NOIRMOUTIER EN L'ILE

 

Nouveau retour d’expérience du Requin SCHAMROCK déquillé à Noirmoutier en 96/97, propriétaire Clément Brunet Moret. Les boulons 1 à 7 sont rigoureusement parallèles et vous pouvez donc soulever la coque en tapant successivement sur les 7 boulons pour désolidariser la quille/saumon de la coque. Vous obtenez ainsi le saumon traversé par ses 7 boulons qu’il est alors plus facile de dessertir de leur logement. N’oubliez pas d’enlever cependant avant le n°8 qui lui n’est pas parallèle aux 7 autres.

 

 
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