A la barre du requin par Jacques Monsault (1959)

Cet article est paru dans la revue Bateau en 1959 ! il est cependant très intéressant, car c'est a ma connaissance un des premiers bancs d'essai complet sur le Requin qui soit sorti. Le requin a alors près de 30 ans...

Le Requin a été dessiné en 1930 en Finlande par l'architecte Gunnar L. Stenback et la grande diffusion de ce monotype en France représente, somme toute, un phénomène curieux puisque ce bateau ne se rencontre pratiquement nulle part ailleurs, hormis. bien entendu, dans son pays d'origine. En fait, le Requin fut remarqué peu après son apparition par un groupe de yachtmen français qui recherchaient un bateau rapide pouvant convenir aussi bien à la régate, à la promenade et même à la petite croisière et c'est dans ces conditions que les premières unités furent commandées en Finlande et livrées en France par cargo. Certaines de ces coques finlandaises naviguent encore aujourd'hui et leur construction était fort soignée.
Puis, on commença à construire le Requin en France et, à la veille de la guerre, il naviguait déjà sur nos côtes 27 unités. Après une sorte d'éclipse, le Requin connaît d'ailleurs aujourd'hui une certaine vogue et la vitalité de la série ne peut être discutée si l'on considère le prix du bateau. Près de 200 Requins sont actuellement immatriculés pour l'ensemble de l'Union Française et les rassemblements les plus importants se trouveront la saison prochaine à Brest, sur l'ensemble des côtes de Bretagne-Sud, à Saint-jean-de-Luz, à Sète et surtout à Dakar. En règle générale, les dirigeants de la série paraissent résolus à limiter la course à l'armement sans pour autant négliger certains progrès de la technique. C'est ainsi que le dacron est maintenant autorisé pour la voilure. Enfin, la propagande n'est pas oubliée et il faut rappeler que lors du dernier Salon Nautique, la série avait fait l'effort d'exposer un Requin sur le terre-plein de la Fédération.

 

CARACTERISTIQUES ET CONSTRUCTION

 

Par rapport à la plupart de ses congénères monotypes, le Requin est un bateau de grande taille. Sa longueur hors-tout atteint 9,6 mètres et sa longueur à la flottaison 6,6 mètres pour un maître-bau de 1,9 mètre. Son tirant d'eau est de 1,1 mètre. Cette coque fine, aux lignes très tendues, possède de longs élancements mais sa voûte arrière se termine par un petit tableau. En fait, le Requin appartient à la même école que la plupart des bateaux de jauge conçus avant la guerre, mais il a été dessiné de telle manière que sa construction ne s'avère pas trop coûteuse.
Cette construction est des plus classiques et utilise des membrures ployées et des bordés d'acajou de 18 mm d'épaisseur. Le pont, le plus souvent entoilé, est réalisé en lattes de spruce, d'orégon ou de sapin de 18 à 20 mm, tandis que le roof entoilé est en 14 mm. Afin de simplifierr la construction, la quille est rapportée sur la coque et supporte 1 050 kilos de lest en fonte pour un poids total de l'ordre de 1 300-1 900 kilos. Cette technique évite des retours de galbord onéreux mais elle n'est pas, évidemment, sans augmenter la surface mouillée. En raison des échantillonnages adoptés, le Requin peut être considéré comme un bateau généralement très robuste et pouvant même supporter l'hivernage à flot. On comprend cependant assez mal pourquoi le contre-plaqué n'est pas employé pour le pontage, ce qui améliorerait sans doute l'étanchéité et la longévité de la coque, tout en facilitant l'entretien. il semble d'ailleurs que les objections présentées soient essentiellement d'ordre esthétique. De plus, il faut noter qu'une coque bordée nécessite à peu près inévitablement un entretient soigné et plus coûteux que des réalisations en bois moulé ou en contre-plaqué.
Il arrive également que l'on enregistre sur des bateaux très anciens ou mal entretenus des fléchissements des élancements avant et arrière qui dénotent fatigue rédhibitoire.
Quoique étant de conception assez ancienne, le gréement est néanmoins efficace et assez pratique. Grée en sloop, le Requin possède une bôme courte et une grand-voile à grand allongement mais son étai de foc est frappé bas sur le mât et un guignol est obligatoire, outre ses barres de flèche. A l'arrière, il existe un pataras central et, malheureusement, des bastaques dont on se passe très volontiers sur la plupart des bateaux modernes. La faible hauteur disponible au-dessous de la baume impose également un système de hale-bas dont 'l'efficacité ne peut être que relative. Le mât se dresse à environ la mètres au-dessus du pont. Obligatoirement plein, il impose des drisses extérieures. Depuis peu, le dacron est autorisé pour les régates de la série. La grand-voile normale mesure 18 m2 et doit être réalisée, quelle qu'en soit la matière, dans un tissu pesant au minimum 180 grammes au mètre carré. La garde-robe normale peut comprendre, en outre une petite grand-voile, quatre focs et un spinnaker. La surface de voilure est de 25 m2.


PERFORMANCES ET QUALITES NAUTIQUES

 

Le Requin est considéré à juste titre, comme un bateau à la fois rapide et marin. En ce qui concerne ses performances, on éprouve invinciblement la tentation de le comparer à son cousin éloigné, le Dragon qui jouit du prestige qu'entourent les séries olympiques. Le plus souvent, on peut affirmer que ce sont les qualités de l'équipage, ainsi que la mise au point du bateau qui détermineront la victoire entre les deux concurrents, plutôt que leurs qualités intrinsèques. il est néanmoins généralement admis que le Requin devance légèrement le Dragon par petit temps et par temps moyen mais que, par gros temps, ce dernier prend l'avantage. Le bilan est donc absolument pas déshonorant pour le Requin qui notons-le, est presque toujours nettement moins coûteux à 1'achat et à l'entretien qu'un Dragon.
Aussi bien en ce qui concerne la vitesse que le cap, le Requin pratique un très bon près serré et ses performances aux allures portantes ne peuvent être critiquées, dans bien des courses-croisières, des Requins bien au point et convenablement barrés ont mené la vie dure aux classes III du R.O.R.C. qui les considère avec raison comme de redoutables adversaires.
Le Requin est apte à supporter normalement des mers déjà fortes et son comportement dans les lames est parfaitement normal. Comme on le sait sans doute, nous avons affaire à un bateau gîtard et l'équipage doit obligatoirement apprendre à accepter puis à oublier cet inconvénient, mais ce fait ne diminue en rien les qualités intrinsèques du bateau qui est dessiné pour naviguer dans de telles conditions. Il est souvent possible de soulager quelque peu le bateau en réduisant la voilure lorsque des performances maxima ne sont pas recherchées.

CONFORT ET AGREMENT

 

Comme il convient à un bateau dont la stabilité de formes est très faible, le cockpit est profond, afin qu'on puisse y séjourner en toute sécurité, quelle que sait 'la gîte. Sauf par petit temps, on ne se rend en effet sur la pont que pour y effectuer des manœuvres et l'absence quasi obligatoire de filière et de balcon devrait imposer aux équipiers le part d'une ceinture de sécurité quelconque. Il est vrai que le capot du poste avant peut être souvent utile pour manœuvrer les voiles d'avant. inscris, par forte mer. il est sûrement préférable de le laisser hermétiquement clos.
Certes, le Requin est un bateau habitable mais il ne permet qu'une sorte de camping seulement admissible pour des corps et des esprits jeunes. Les deux couchettes installées en série sont confortables et peuvent être réunies pour former une couchette double de 1,6 mètre de largeur. Il est également possible de loger un équipier à l'avant et, au mouillage, une ou deux personnes peuvent coucher dans le cockpit - 1,8 mètre de long - protégées par un taud posé sur la borne. Malheureusement, la hauteur sous barrots est très faible et, dans une certaine mesure, le Roquiniste doit savoir ramper ou tout au moins, se déplacer aisément à quatre pattes.
Quoi qu'il en soit, la cabine comprend un nombre de tiroirs, de placards et de tablettes qui suffisent pour vivre et cuisiner à bord de façon suivie. Le toit du roof comporte presque toujours un capot coulissant qui améliore l'éclairage et l'aération de l'intérieur en combinaison avec le panneau du poste avant.
Comme il convient à un bateau dont la stabilité de formes est très faible, le cockpit est profond, afin qu'on puisse y séjourner en toute sécurité, quelle que sait la gîte. Sauf par petit temps, on ne se rend en effet sur la pont que pour y effectuer des manœuvres et l'absence quasi obligatoire de filière et de balcon devrait imposer aux équipiers le part d'une ceinture de sécurité quelconque. Il est vrai que le capot du poste avant peut être souvent utile pour manœuvrer les voiles d'avant. inscris, par forte mer. il est sûrement préférable de le laisser hermétiquement clos.
Certes, le Requin est un bateau habitable mais il ne permet qu'une sorte de camping seulement admissible pour des corps et des esprits jeunes. Les deux couchettes installées en série sont confortables et peuvent être réunies pour former une couchette double de 1,6 mètre de largeur. Il est également possible de loger un équipier à l'avant et, au mouillage, une ou deux personnes peuvent coucher dans le cockpit - 1,8 mètre de long - protégées par un taud posé sur la borne. Malheureusement, la hauteur sous barrots est très faible et, dans une certaine mesure, le Roquiniste doit savoir ramper ou tout au moins, se déplacer aisément à quatre pattes.
Quoi qu'il en soit, la cabine comprend un nombre de tiroirs, de placards et de tablettes qui suffisent pour vivre et cuisiner à bord de façon suivie. Le toit du roof comporte presque toujours un capot coulissant qui améliore l'éclairage et l'aération de l'intérieur en combinaison avec le panneau du poste avant.
Dans le cockpit, fort spacieux, on trouve des caissons latéraux ainsi que deux vastes tiroirs qui permettent d'emmagasiner un matériel important ainsi que, le cas échéant, un moteur hors-bord destiné aux manœuvres portuaires. Un banc amovible est prévu pour la barreur et il existe des sièges latéraux-
En règle générale, le Requin est un bateau facile à manœuvrer mais il présente les avantages et les inconvénients propres à tous les bateaux de son poids. En eaux libres, un cafouillage peut bien souvent ne revêtir qu'une faible gravité et, par exemple si on se livre aux joies de l'empannage involontaire, on risque beaucoup plus - et encore ! - de casser quelque chose que de se retrouver à l'eau. à moins que l'on se fasse cueillir par la bôme qui, elle, peut devenir fort méchante. Toutefois, les manœuvres portuaires exigent une habileté certaine car cet ensemble, qui pèse au moins deux tonnes en charge, garde une erre qui déconcertera les barreurs de petits dériveurs. L'étrave affilée d'un Requin peut faire beaucoup de dégâts autour d'elle mais elle ne résistera cependant pas toujours au contact brutal avec un quai. Un Requin doté encore d'une certaine vitesse ne s'arrête pas comme un Corsaire et, que ce soit lors d'un accostage ou d'une prise de corps mort la manœuvre doit être exécutée avec sûreté.
Certains ont été jusqu'à accuser le Requin d'éprouver un malin plaisir à doucher sans cesse son équipage et quoique cette réputation soit partiellement justifiée, il convient cependant de rétablir les faits dans leurs proportions exactes. Par gros temps. l'étrave du Requin juge volontiers plus simple de pénétrer dans la lame plutôt que de s'élever au-dessus d'elle et, si la vitesse est importante, il est vrai que les embruns seront nombreux et que l'équipage communiera étroitement avec la mer. Néanmoins, il demeure possible en croisière de réduire la vitesse, ce qui a pour effet de calmer immédiatement le bateau et de le rendre infiniment plus sec. Sauf en ce qui concerne le barreur, qui occupe le plus souvent une position élevée, la profondeur du cockpit permet d'ailleurs à l'équipage de se protéger dames de bonnes conditions. 'En revanche, il est parfaitement exact qu'il n'est pas aisé d'aller changer de foc sur l'avant dans une régate de gros temps et l'équipier qui effectue ce travail quitte parfois momentanément la surface pour s'abîmer durant quelques secondes au sein de l'onde amère. Mais, le Requin est un bateau sportif et les moindres traits de sa personnalité reflètent cette évidence. Sauf sur des bateaux extrêmement importants, il est difficile d'exiger à la fois la vitesse et le grand confort et on ne peut donc reprocher au Requin de faire preuve de tempérament.
Assez lourd, ce bateau a le plus souvent des mouvements d'une certaine amplitude mais dépourvus de sécheresse. Au près et dans les rafales, les coups de gîte peuvent toutefois être brusques si le barreur ne soulage pas le bateau d'une manière ou d'une autre mais on est très rarement " secoué " comme dans un dériveur léger. Au vent arrière, un roulis relativement accentué peut se déclencher mais il n'y a là rien de vraiment exceptionnel et le bateau répond toujours à la barre avec docilité, bien qu'il puisse devenir nécessaire de déployer une certaine force physique pour le contrôler aux allures portantes.

 

SECURITE ET ACCASTILLAGE

 

Sur le plan de la sécurité, le Requin est indéniablement un bateau ancien. Très fortement lesté, il peut couler s'il embarque trop d'eau et, à moins d'encombrer l'intérieur de la coque d'un volume de klégecel important et dont l'arrimage doit être soigneusement étudié, il est difficile de le rendre insubmersible. Il ne faut cependant pas s'affoler car la quasi-totalité des bateaux de croisière se trouvent exactement dans le même cas. On peut, cependant. déplorer que le Requin ne soit pas muni d'un cockpit étanche auto-videur. Certes, diverses solutions ont été retenues par les Requinistes, la plus courante étant celle du taud recouvrant le cockpit et pourvu de trous d'homme. Il ne s'agit cependant que d'un palliatif difficilement acceptable en croisière et, par ailleurs, les formes de la coque et du cockpit se prêtent assez mal à leur transformation, à moins de réduire dans de fortes proportions le volume du cockpit, ce qui serait également dangereux, surtout si l'on réduisait sa profondeur.
Une étude attentive devrait pourtant permettre d'éviter que l'eau embarquée dans le cockpit aille se perdre dans les fonds car sitôt que ce lest mobile devient important, il peut devenir fort dangereux pour le bateau. Enfin, il serait peut-être possible d'étudier un système de trappes de vidange avec clapet de retenue débouchant sous la voûte arrière, ce système étant complété par une ou deux pompes à gros débit. Bien que les dirigeants de la série aient dans le Requin une confiance absolue, ce ne serait pas déchoir que de penser au pire. Car, s'il est vrai que les caractéristiques de base du bateau le rendent pratiquement inchavirables on peut cependant admettre qu'il puisse embarquer par gros temps, à la suite d'un incident ou d'une fausse manœuvre.
En ce qui concerne l'accastillage, les Requins habituellement livrés à la clientèle sont équipés d'une manière succincte mais acceptable. il convient cependant de ne jamais oublier que l'on a affaire à un bateau puissant qui réclame un accastillage robuste.
Les manilles doivent être de bonne taille et dans la mesure du possible, il nous paraît préférable d'éviter le bronze au profit de l'inox, du bronze-inox ou même du galvanisé de bonne qualité. Pour le foc, un winch de chaque bord est absolument nécessaire et sa taille devra être généreusement calculée si l'on ne veut pas risquer une mise hors d'usage rapide. Quant aux divers systèmes d'étarquage des bastaques, ils vont du simple palan à des leviers fort ingénieux et certains dirigeants de la série - nous pensons par exemple au -docteur Dumont - pourront donner à ce sujet d'utiles renseignements.
Malgré ses formes, le Requin peut échouer avec ou sans béquilles. Précisons tout de suite que la seconde solution ne nous semble admissible que très occasionnellement lorsqu'on est certain de la nature du fond et à condition que personne ne reste à bord. Si l'on pose des béquilles, le bateau conserve une inclinaison sur l 'avant de 10 à 15 degrés et il convient de tenir compte de ce fait pour l'orientation des couchettes.
Quant au moteur hors-bord qui peut être monté sur le Requin. il se fixe sur une platine amovible ou basculable disposée le plus souvent sur la hanche tribord Pratiquement, ce moteur ne peut être utilisé qu'on eaux plates et, à moins d'un calme plat, le bateau étant à sec de toile. En effet, l'apparition d'une houle quelconque ou d'une gîte sur un bord risquerait de faire plonger trop profondément le moteur dans l'eau, ou au contraire, de laisser tourner l'hélice dans l'air. Il s'agît donc d'un véritable moteur de secours et non d'un second mode de propulsion.

CONCLUSION

 

Grâce à une politique dont la sagesse doit être appréciée, l'Association des propriétaires de Requins a réussi à conserver à cette série une vitalité qu'on aimerait retrouver partout ailleurs. Bien que ce bateau ait aujourd'hui près de trente ans, il conserve une personnalité suffisamment séduisante pour intéresser les amateurs qui désirent un bateau classique, rapide, sportif. sûr et qui, à l'occasion, aspirent à vivre à bord C'est également un bon bateau de petite croisière pour les jeunes mais, avant d'accéder au Requin, les débutants feront bien de s'entraîner au maniement d'un bateau qui pourrait leur sembler, de premier abord doté d'une personnalité impressionnante.
Enfin, la construction du Requin est effectuée actuellement presque uniquement par les Chantiers Pouvreau à Vix qui ont su, grâce à leur expérience, maintenir un prix de vente modéré grâce à une ébauche de construction en série.
En fait, le plus gros inconvénient du Requin réside dans son poids qui rend les manipulations et les déplacements terrestres peu aisés et très souvent coûteux. Avec un Requin, il est préférable de choisir une zone de navigation et d'y rester.